L'homme gara son véhicule sur le plateau à l'abri des regards, masqué par un fouillis d'arbres et de buissons.
Il pleuvait des cordes, dorénavant, et le commandant déjà trempé s'extirpa de sa voiture, prêt à en reprendre une couche. Le ciel gris semblait avoir déteint sur son visage, ses fringues, et le reste du paysage, noyant le tableau d'un brouillard acrylique.
La pluie et le vent donnaient un aspect mordant au froid déjà bien présent, chaque goutte pénétrant sa peau, injectant une dose d'humidité cryogénique. Il était encore tôt, les températures frôlaient le zéro, et si le commandant n'était pas frileux, il ne pouvait s'empêcher de ressentir un léger malaise en navigant au milieu de ce qui ressemblait à des volutes d'azote liquide.
Il se dirigea à pas déterminés vers la jeune femme qui venait à sa rencontre, devinant qu'il s'agissait du capitaine Sterling, avec qui il avait échangé plusieurs mails.
-Capitaine, la salua-t-il avec un signe de tête respectueux.
Il lui serra la main, l'air sérieux et aussi sombre que l'ambiance, puis lui emboîta le pas.
-Je vous écoute, où en sommes nous ?
Tony Lee se pencha sur la carte qu'elle lui indiquait, et écouta les explications de la jeune femme avec attention. Elle semblait avoir géré la situation avec une main de maître, et jusqu'ici, leurs échanges lui avaient laissé une impression de sérieux professionnalisme.
Tout en parlant, ils se glissèrent sous un abris monté à l'arrache, une simple bâche et quelques trépieds, afin de s'entendre parler et de prendre des décisions sans prendre la douche en même temps.
Le brouhaha de l'eau percutant la toile cirée sembla les envelopper comme une bulle alors que l'homme passait une main dans ses cheveux noirs afin de chasser un maximum d'eau, les dressant sur sa tête au passage. Il s'essuya le visage d'un revers de coude, sa barbe balbo gorgée d'eau dégoulinant contre sa veste de cuir imperméable, sans pour autant lâcher les documents de ses yeux gris aciers.
Il verrouilla les mâchoires, fronça les sourcils, n'interrompant le capitaine que pour des détails importants, puis prit appuie sur la table de fortune, ses mains glissant sur les cartes afin de clarifier la moindre zone d'ombre de ses propos.
-Il nous faut trois de vos véhicules en amont, au barrage avant le rond point. Le leurre sera le premier à tomber dans le filet, il faudra agir rapidement, refermer l'étau juste derrière. Même si on a bloqué les sorties, dès qu'il préviendra le transporteur, on aura droit aux manœuvres dangereuses, demi-tours en plein milieu, etc.
Il savait qu'elle savait, mais avait besoin de décrire les scenarii possibles dans les moindres détails. Ce n'était pas de la condescendance, juste de la minutie. Une habitude qu'il avait gardé du GIGN.
-Deux autres pour refermer le piège derrière le transporteur. J'ai moi même trois voitures le long de cette bretelle prête à foncer en cas de soucis.
Il observa globalement les informations qu'il avait devant lui avant de se tourner vers la capitaine qui donnait ses ordres par talki.
-On n'a pas de suivi GPS ?
Elle secoua la tête.
-Bien, les caméras le long de la route feront l'affaire alors. Où peut-on les voir ?
La capitaine le pressa à rejoindre la camionnette de la crim où de multiples écrans étaient installés.
Tony serra la main de l'agent qui s'occupait du suivi et réitéra sa question.
L'autre pianota sur son clavier afin de zoomer sur une partie de son écran.
-C'est la caméra de la N22-14. Ils viennent d'y passer. Le leurre, d'abord, regardez...
Il indiqua une voiture qui filait dangereusement vite, une tâche de lumière dans une gerbe d'eau.
-...Puis la mule. Là. Ils sont à quinze minutes d'ici. Ils ne peuvent plus faire demi-tour où prendre de quelconque sortie. Ils foncent droit sur nous.
Lee ne répond pas, le visage sombre, conscient que pris au piège, ils en étaient encore plus dangereux. Finalement, il remercia l'agent puis se tourna vivement vers le capitaine.
-Rejoignez vos hommes au rond point. Vous intercepterez le leurre en premier. Je vais rejoindre ceux à l'arrière pour boucler la mule. On reste en contact.
Il enfonce son oreillette alors qu'il descend de la camionnette d'un pas sûr et rapide, ses cuisses tirant sur l'élasticité relative de son jean trempé. Focalisé sur sa cible, il rejoignit son véhicule.